AMERIQUE DU SUD : interférence des ressources minérales (7)

C'est dans ce contexte général que les ressources minérales entrent en jeu. Elles interviennent au milieu de polémiques parfois interminables, et à un moment où les processus de détermination des frontières entre Etats successeurs sont à un niveau de règlement plus ou moins avancé. Les ressources se glissent dans les litiges territoriaux qui généralement les précèdent de fait, et alors que la raison foncière du désaccord sur le critère de définition de la frontière peut être de nature diverse.

La raison peut être juridique. L'uti possidetis se révèle insuffisant comme base stricte de délimitation.

La raison peut être de nature matérielle. La controverse porte sur l'identification du support physique de la frontière théorique.

La raison peut être politique. Il y a remise en cause du règlement de frontière.

AMERIQUE DU SUD : origine des controverses territoriales (6)

Les controverses territoriales viennent de ce que l'on oppose au titre (uti possidetis juris) l'effectivité du contrôle territorial. Ce point a parfois amené une conception divergente qui reçut le nom d'uti possidetis de facto, mais qui finalement rejoint la théorie classique de l'occupation.
Un aspect du conflit des souverainetés est marqué par l'argument contestant l'application de l'uti possidetis dans son principe même là où la controverse porte, non pas sur une limite relative à deux anciennes possessions espagnoles, mais sur une limite résultant d'un traité et relative à des territoires qui ont toujours relevé de souverainetés nationales différentes. L'argument a un temps été soutenu par l'Argentine, en 1894, dans la querelle de frontière l'opposant au Brésil sur le territoire dit des Missions. Le point a été également soulevé dès 1867 par le Pérou à propos du territoire amazonien d'Acre.

AMERIQUE DU SUD : applicabilité de l'uti possidetis (5)

Les conditions d'application du principe soulèvent un peu partout des difficultés pour trancher les conflits de souveraineté donnant lieu à deux conceptions sur l'application de l' uti possidetis.

Ainsi entre Etats héritiers des possessions espagnoles, il n'est pas toujours possible de s'attacher à l'état de droit, de s'entendre sur le cadre territorial des anciennes structures pour couler les frontières nouvelles dans les traces des anciennes limites administratives.
Formée autour de solides noyaux de peuplement, une ancienne structure dominait le plus souvent un espace nominal, imparfaitement délimité, étendant une autorité élémentaire sur des confins reculés et inégalement explorés.
L'incertitude des limites coloniales était une situation favorable aux empiétements et avait d'ores et déjà provoqué des rivalités entre puissances coloniales. A partir du XVIIème siècle et sous l'impulsion du Brésil, la ligne théorique de Tordesillas est déplacée. Et divers établissements coloniaux sur la côte atlantique produisent une avancée territoriale en cherchant à s'étendre entre l'Orénoque et l'Amazone (Guyanes).

AMERIQUE DU SUD : description de l'uti possidetis (4)

La sentence rendue par le Conseil fédéral suisse en l'affaire des frontières colombo-vénézuéliennes de mars 1922 contient des développements sur ce qu'il faut entendre plus concrètement par uti possidetis juris. Et la Chambre de la Cour internationale de justice constituée dans l'affaire du différend frontalier terrestre, insulaire et maritime entre le Salvador et le Honduras (Nicaragua intervenant) précise la notion d' uti possidetis juris en apportant un correctif à propos de la date critique (1810, ou 1821, selon le cas) attachée au principe, compte tenu des règlements territoriaux intervenus entre les Etats successeurs (arrêt de septembre 1992).

AMERIQUE DU SUD : interprétation de l'uti possidetis (3)

L' uti possidetis, qui n'est pas mentionné explicitement dans le texte des premiers traités conclus entre nouveaux Etats américains, va s'imposer comme instrument et principe de fixation des frontières, susceptible d'une application généralisée. Il reçoit alors la dénomination de 'doctrine de l' uti possidetis de 1810' (ou de 1821, pour les Etats centre-américains) - ou 'uti possidetis juris de 1810' (ou de 1821) - et il est proclamé au Congrés de Lima  en 1848.
Dans ce sens, le principe est très largement interprété comme visant à ériger en frontières véritables les limites territoriales correspondant aux divisions administratives (voire judiciaires ou ecclésiastiques) des anciennes circonscriptions (vice-royautés, capitaineries générales, audiences, etc.) espagnoles sur les territoires desquelles se sont constitués les Etats devenus indépendants au début du XIXème siècle.

AMERIQUE DU SUD : la finalité de l'uti possidetis (2)

La découverte en Amérique du Sud de nouvelles richesses minérales (nitrate, pétrole) et le développement à un niveau industriel de ressources connues et exploitées (cuivre) sont des faits postérieurs à l'adoption de l'uti possidetis.

Ce principe, suivant la formule uti possidetis, ita possideatis, se révèle à l'époque de l'accession à l'indépendance des anciennes colonies espagnoles d'Amérique. Sa finalité à cette époque 'était de priver d'effets les visées éventuelles de puissances colonisatrices non américaines sur des régions que l'ancienne métropole avait assignées à l'une ou à l'autre des circonscriptions et qui étaient demeurées non occupées ou inexplorées' a souligné la Chambre de la Cour internationale de justice en l'affaire du différend frontalier en 1986.

AMERIQUE DU SUD : le contexte latino-américain (1)

L'Amérique post-espagnole a l'idée de formuler la théorie de l' uti possidetis afin de prévenir des tentatives de colonisation et d'éviter les conflits de frontières inévitables entre les Etats successeurs issus des révolutions libérales.

Mais sur ce continent le principe ne permet pas de résoudre de façon complète des différends ayant trait à des confins territoriaux jusqu'alors délaissés et auxquels la découverte de richesses minérales confère une soudaine valeur.